À la recherche de Rubens
Rubens. Le géant, l'homme qui pouvait tout faire. Ou pas? Valerie Herremans, chercheuse de KMSKA, a découvert une autre facette de Rubens
Si vous souhaitez restaurer un tableau truffé d’énigmes picturales, vers qui vous tourneriez-vous ? Le groupe AXES de l'UA.
Pas de restauration sans recherche préalable. Pour certaines œuvres d'art, une analyse à l'œil nu et à l’aide de diverses lampes (UV, infrarouge) suffit pour comprendre la structure de l'œuvre. En revanche, d'autres œuvres posent de nombreuses énigmes aux restaurateurs. Dès lors, l'Université d'Anvers vient au secours équipé d’un scanner MA-XRF. La chute des anges rebelles de Frans Floris fait partie de ces œuvres regorgeant de mystère. Les empreintes de son histoire mouvementée sont nombreuses, mais lesquelles sont d'origine ?
En 1554, Frans Floris peint pour l'autel de la guilde des Escrimeurs dans la cathédrale d’Anvers ce panneau monumental de trois mètres de haut, ainsi que deux panneaux latéraux. D’après les recherches, le panneau central aurait déjà subi une restauration en 1567. Fut-il endommagé par les iconoclastes ? Est-ce à ce moment-là que les panneaux latéraux ont disparu?
Au XVIIème siècle, l'autel est tristement désuet. La guilde fait construire autour du tableau un nouvel autel baroque, orné de sculptures.
En 1794, les troupes de Napoléon jettent leur dévolu sur ce chef-d'œuvre et l'emportent à Paris. Le panneau retourne à Anvers en 1815, visiblement en bon état, à l'exception de quelques « plissements » au centre.
Sur le côté gauche, le tableau a été recoupé. Était-ce pour intégrer l’œuvre dans le nouvel autel baroque ou l’intervention a-t-elle eu lieu à Paris ? Rien ne nous permet de répondre à cette question.
L’équipe de recherche AXES de l'Université d'Anvers est spécialisée dans l'analyse biologique et physique ainsi que dans l’imagerie des substances. Elle développe régulièrement de nouveaux instruments pour examiner les peintures, et ce dans le monde entier. Le KMSKA collabore avec AXES depuis la restauration du Dieu le Père entouré d'anges chanteurs et musiciens de Memling, autre œuvre chargée d’interrogations complexes.
Afin de savoir si la partie supérieure de La Chute est de la main de Floris, ou si celle-ci fut ajoutée ultérieurement, l’équipe AXES utilise un scanner MA-XRF. Les rayons X du scanner balaient le tableau point par point. Sans que cela occasionne de dommages, ces rayons pénètrent dans les couches inférieures de la peinture en interagissant avec les substances chimiques présentes. Ces substances émettent elles-mêmes des rayons X spécifiques que le scanner est capable de mesurer. Ces mesures sont caractéristiques pour chacune des substances et permettent aux chercheurs d'identifier les éléments chimiques utilisés. En même temps, le scanner montre leur répartition dans le tableau.
Les pigments les plus courants dans les peintures anciennes contiennent des métaux ou des composés métalliques, auxquels cette technique est très sensible. Il peut s'agir de pigments à base de plomb, de calcium ou de cuivre. Le plomb se trouve entre autres dans la toxique céruse, aussi appelée blanc de plomb. Des différences dans l'utilisation du blanc de plomb peuvent permettre de déterminer si Frans Floris a peint la partie supérieure. Ou bien, il se pourrait qu'une autre substance apporte une réponse.
La partie supérieure de La chute des anges rebelles se situe trop en hauteur pour le scanner. Après avoir examiné le panneau, l'œuvre a donc été basculée sur le côté droit. La vidéo montre comment les chercheurs installent le scanner et effectuent les tests. L’équipe AXES et les restaurateurs parviendront-ils à savoir si l'œuvre fut peinte par Frans Floris en personne ?
À suivre…