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manuscrite

Mes joies

Ensor parle de ses joies de peindre et de sa façon d'appréhender la lumière et les formes.

Pourquoi ai-je devancé depuis un tiers de siècle et dans tous les sens les recherches modernes ! Cela blesse affreusement nos arrivistes mal assiettés, faux novateurs bientôt exangues et livides en dépit de toutes les irisations, vous rampiez essoufflés sous vos manteaux de lumière claquant à tous les vents de Bise et d’Orient.

Traqué par les suiveurs, je me suis confiné joyeusement dans le milieu solitaire où trône le masque tout de violence, de lumière et d’éclat. Le masque me dit « Fraîcheur de ton, expression suraigüe, décor somptueux, grands gestes inattendus, exquise turbulence. Vision sensible et clairvoyante non devinée par les impressionnistes, demeurés brosseurs superficiels, imbus de recettes très traditionnelles.

J’ai condamné les procédés secs et répugnants des pointillistes déjà morts pour la lumière et pour l’art.

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Ils appliquent froidement méthodiquement et raisonnablement, sans sentiment, leurs pointillages entre des lignes correctes et froides. xxxxxxx

Le procédé défend d’ailleurs d’étendre les recherches, art de froid calcul et d’étroite vision. Combien déjà dépassé en vibration.

Ma technique s’allie au sujet, elle varie à l’infini. J’ai employé tous les modes possibles, toutes les gammes se succèdent et s’entre-mêlent : sombres, claires, noires, blanches, ternes, colorées. Les dates ne comptent guère et quand les jeunes peintres refeuillètent mes cartons de 1877, ils découvrent des masses cubistes, des flocons impressionnistes, des éclats futuristes, des chevaliers dadas, des gestes expressionnistes, des attaches constructives.

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Aujourd’hui, l’adorable fantaisie, fleur céleste de rosée, inspiratrice du peintre novateur m’effleure de son aile légère.

Oui, j’ai sacrifié à la déesse vermeille des merveilles et des songes nécessités complémentaire indispensable à l’artiste, mais crime impardonnable aux yeux de quelques bons apôtres, classeurs de renommées bourgeoises et mon nom fut rayé de leur liste de novateurs amis.

Avant moi le peintre n’écoutait pas sa vision.

O triomphe ! Le champ de l’observation devient infini et la vision libérée sensible à la beauté se modifiera toujours et discernera avec la même acuité les effets ou lignes où dominent les formes et la lumière.

James Ensor

À propos de ce document d’archive

Identification

  • Type d'objetmanuscrite
  • TitreMes joies
  • Dateenv. date 1920 - env. date 1930
  • RelationsAuteur: Ensor, James
  • SujetImpressionnisme [style]

Caractéristiques

  • Genrecontemplative prose
  • Supportpapier
  • Matériel d'écriturepennen
  • Numéro de l’image numériqueA4094
  • Droits d'auteurPublic domain

Lieu

Données supplémentaires

  • Manifeste IIIFhttps://iiif.kmska.be/iiif/3/34858/manifest.json
  • Identifiant d'enregistrement
Rubens

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