Réflexions sur le corps académique ses membres, son estomac. Halte là! L'académie d'Ostende se dresse en beauté.

Réflexions sur le corps académique ses membres, son estomac

L’académie de nos peintres n’a pas fait son temps. Aux époques de crise

Alle se tienintient, se tâte, se culotte se transfrome, se décompose, parfois les membres

s’énervent, se relâchent mais l’estomac classiqué digère à merveille

et rumine largement, tout lui est bon, poivres et sels, sucres et con-

-diments, muscades, macarons-mascarons, éloges tonitruands ou blâmes

macaroniques.

Ci un exemple pris sur le vif et puisé sans façons lors des trois années

passées sous les férules arlequinées des bonzes professeurs bien pensant

en mal d’autorité.

L’an 1877 à l’académie de Bruxelles aux cours du soir, je dessine

sans me lasser des têtes antiques. En 1878 des torses antiques. En 1879

des figures encore plus antiques. Aux cours du jour je colore libre-

-ment d’après modèle vivant.

Les désaccords de certains professeurs me donnèrent agrément

tout comme les brimades et rapinades des condisciples multiplexes

dociles hirsutes, fuyant ou rouspétant.

Le travail en commun d’une clique menée tambour battant avait du bon.

L’excellent Portaels, directeur vigilant, phrasait doucement à la

ronde des remontrances enmielleés et substantielles. Joseph

Stallaert inspectait nos palettes avec soin pour condamner le jaune

safran. Alexandre Robert toujours pressé ou sous presse parlait peu

disait prou, mâchait bredouillait et reluquait l’horloge du surveillant.

Enfin, bouquet suprême. Jef Van Severdonck le peintre des juments

de la cour, le bilingue de Marollie clamait derrière nos essais

"vote oeule fé ça, regardez le modèle son oeule ne fé pas ça,

ici un petit clair, là un petit gris et vendez moi ça."

Cependant tout (me) donnait joie, aux cours de l’académie en dépit

des éducateurs doctoraux, grommelant aplatis devant l’antique ou

dorant les pilules en malaxant les cerveaux

Certes, on riait en 1878 sous le règne des bons plaisirs bien farcis

de la vieille académie et j'aime, décocher un salut non

rancunier à son adresse

James Ensor

2                                          Halte là!

L'académie d’Ostende se dresse, [doorstreept : ses fondateurs] en beauté

les mains baigneés d’air les pieds dans la mer, inspirent foi

et, confiance sous le règne de la mer.

La mer notre mère la grande inspiratrice.

Des éducateurs professionnels tels Blomme, Schyrgens, Sorel,

Verbruggen, Thullier, Poppe, Maes, Van Houte, mademoiselle Rommelaere

se dépensent sans compter, se découpent en quartiers, ils sèment

à la volée à pleines mains le bon grain.

L’académie ne peut déchoir, ses éléments épurés embrassent

les côtes, enveloppent la dune, défendent les bassins nacrés.

Oui, elle vivra saine et forte.

Saluons ostende centre d’art selon Edmond Picard.

Je dirai Ostende phare nouveau de l’art pur et clair.

Et foin des boues et des noirceurs. Les danses de la vague

les grands balais de la mer actionneront les efforts des défenseurs du beau.

Ostende académie égalera Ostende conservatoire.

Ostendais vous gobez la déesse musique et ses hauts faits,

vous souriez à muse peinture, à ses bienfaits.

Je répète en liberté à tout casser.

Faut aimer pour déformer.

Faut admirer pour dessiner.

chers amis formons, déformons au gré de nos aimées

Amen.

James Ensor