Sur Antoine Wiertz, petit maître du grand, son musée, ses modèles et ses enseignements
Sur Antoine Wiertz, petit maître du grand, son musée,
ses modèles et ses enseignements.
Wiertz pétri de vif orgueil salutaire, Wiertz dévoyé chez les gros maîtres brabançons. Wiertz aimons vos graves antiques cirés de couleurs mortes, vos figurants démesurés tous géants jolis bombant torse, arrondissant nombril tels Patrocle, Hector, Achille, maquillés chez Castan ou Ulysse, Ménélas, Buonaparte empaillés chez Tussaud.
O ! la grasse lavasse seringuée par Rubens, Ah ! l’étal saumâtre saumuré de frais où le lard du porc humain bel et bien s’évapore en fumet, Hu ! l’affreuse vision de Wiertz le peintre des dur à cuire cruels, des dieux anthropophages, des ogresses affamées dévorant leurs petits.
Ci, des quantités de grosses toiles œuvrées, platrées, embues, fiélées, matées à voiles tissées de fil gris et absorbantes vitrifient anémient Homère, Plutarque dom qui blague, Labarre et ses amis. Là des gros de panneaux vermoulus, peuplés de charançons, pétrifient magnifient de bons péninsulaires culottés feutrés, olivâtres et des brigands doux, craquelés, carabinés de la Calabre.
Tandis que tapis aux coins des cimaises des tireurs éclectiques, vagues manchots bien assis et mal peints visent innocemment des lourdauds pacifistes en passe de plumaison.
Etrange musée refuge, asile, repaire creé jadis pour abriter, isoler, conserver, rengorger, désarmer des écrivains domestiqués, fonctionnaires fourbu : rogues et bredouillant, gazetiers moisis chroniqueurs macaroniques, poètes caramelés, prosateurs versatiles, libres académiciens ternes ou paternes, huissiers grommelant.
aujourd’hui musée pinaclé, jalousement gardé pour la postérité par notre as gantois Grégoire Le Roy, conservateur type et poète racé.
O ! les patienciotypes trop secs, les trompe-l’œil innocents éberluant calicots en ballade, parisots hilares, zwanzeurs zwanzant de marollie visiteurs surmenés suspendus à leurs guides, cornacs trompétant pistonnant albionnes splénétiques, clergymen sévères, pochés marmeladés, dimanchettes, faubourinettes cicéronant blanc-becs suffisant en quête de blanc-manger, écolières minaudant en rupture de bas et de banc. Suisses, polonais, ixellois fortissimos exultant dactylos pianissimos, employés mollets encaissant kilobourdes, capitalistes faux-bouriens rétifs, moralistes chagrins recherchant la petite bête, ecclésiastes soupçonneux, petits pénitenciers à l’affut furetant, bas clergé protestant bafouillant, sergots gendarmés marouflés, zingueurs en mal d’inspiration, matrones et snobs cancaniers convergent leur venin, carabins rigolos et fristoboulinant.
Célébrons l’œuvre pie du peintre à l’œil dur, ses travaux herculéens d’estoc, de taille et mirifiques, ses portraits bien traités déformant des féminités au rare sourire, ses foules bigarrées aux lignes instables décortiquons ses guerriers invraisemblables bardés, furibonds, désagrafant molles flamberges et fers à friser et croquons sur le pouce ses corps d’amazones, théories coquemarées, casserollées, marmitonnées, stérilisées, ébarbées, ses combattants démembrés, stabilisés, indescriptibles.
saluons les dames belges agacées de rage allumées allongeant giffles formidables ou soufflets bien appliqués, claques patriotiques mais solides de nos flamandes plantureuses, pétulantes, échauffées et décues ; tapes renforcées de nos wallonnes de bonne mine, commères crapaudines extra mamelonnées.
,Louons la grandiloquence, les penchants combatifs du convulsionnaire frénétique. Adjectivons ses grecs vainqueurs astiqués, pommadés zingués sur tranches, lavés, nettoyés, blanchi à la chaux et au ripolin. Négligeons les défenseurs de Troie, battus à plate-couture, désemparés, brossés, rosédés passé au bleu fort de la peinture, piètres, gens de pied exaspérés mordillant cors d’Achille, levée grotesque de mannequins creux actionnés par ressorts rouillés, boudinés, inflexibles.
Resignalons les croquis idéalisant des poupards agressifs culbutés sans merci ; soudards déboyautés, saignés à blanc, noyés dans leurs jus.
Tous blessés impeccables, charogneux, dégoulinant en cadavres récalcitrants.
Wiertz l’écraseur des Titans
Je gobe et goûte Wiertz le petit et Wiertz le grand, Wiertz éborgnant cyclope myope binoclé de verres grossissants. Wiertz le maître épique et batailleur, l’aigle martyr et abracadabran. Et quand exclu des Champs-Elysées surpeuplés de poètes orgueilleux, quand banni du paradis radieux de nos peintres distants, vous fixez tristement la robe traînante de l’étoile filante, le regard éteint des lunes en croissance et le pâle rayon des soleils éclipsés, Wiertz, vous êtes beau, Wiertz vous êtes grand.
James Ensor
À propos de ce document d’archive
Identification
- Type d'objetmanuscrite
- TitreSur Antoine Wiertz, petit maître du grand, son musée, ses modèles et ses enseignements
- Dateenv. date 1920 - env. date 1930
- RelationsAuteur: Ensor, James
Roy, le, Grégoire, Rubens, Peter Paul, Wiertz, Antoine Joseph, Antoine Wiertzmuseum - Sujetkunstenaars
Caractéristiques
- Genrecontemplative prose
- Supportpapier
- Matériel d'écriturepennen
- Numéro de l’image numériqueA4092
- Droits d'auteurPublic domain
Annotations
- Contenu de l'annotationLe texte Discours sur Wiertz est mentionné dans: "De galerij 'Studio': bloeiende kunstgalerij te Oostende tijdens het Interbellum: aflevering 2" Hostyn Norbert, in De Plate volume 21 (5-8), pp. 145-150. | La mention 'Wiertz' est inscrite au crayon au verso. Ensor fait référence à son ami Grégoire Le Roy qui fut conservateur du musée Wiertz à partir de 1919. - Mention dans la mythologie grecque: Patroclus, Hector, Achilles, Castan(?), Odysseus, Menelaüs en Homerus.
Lieu
- Lieu de stockageKMSKA archiefdepot
- Partie de l'archive
Données supplémentaires
- Objets liés
- Manifeste IIIFhttps://iiif.kmska.be/iiif/3/34848/manifest.json
- Identifiant d'enregistrement