Matthieu Beudaert

- Fondateur de Table d’Amis, récompensé par une étoile Michelin
- Chef cuisinier avec une formation en histoire de l’art
- Explore les liens entre cuisine et art
Artist in Residence
"Je ne m'y attendais pas du tout et, honnêtement, après ma première visite, j'étais complètement surpris, mais aussi honoré qu’on m’ait posé cette question." Beudaert voit sa résidence au KMSKA comme une opportunité d'explorer les frontières entre la cuisine et l'art. "Cette invitation marque pour moi le début de quelque chose de nouveau à deux niveaux. D'une part, la recherche de l'influence de l'art sur la cuisine, d'autre part, l'exploration des frontières entre cuisine et art."
Goût et art
"Avant tout, nous allons tenter de faire goûter la collection du musée au public. Quel est le goût d'un Fontana ? Comment goûtent les clous d'Uecker ? Avec quelles saveurs associons-nous les couleurs de Roger Raveel ?" Cette recherche se traduit par un dîner avec Club Foquet et KMSKA Laat, où les invités dégustent des plats directement inspirés de la collection. Beudaert travaille également sur un livre de cuisine basé sur les œuvres du musée. De plus, il souhaite créer un objet qui brouille la frontière entre l'art et la gastronomie. "J'ai déjà une idée concrète à ce sujet, dont je suis particulièrement fier, mais je ne veux pas en révéler davantage pour l'instant, car la question demeure : est-ce réalisable ?"
Inspiration de la collection
Beudaert puise son inspiration dans la collection du musée de diverses manières. Parfois, c'est sous une forme formelle, où une œuvre d'art évoque immédiatement un ingrédient ou un plat. "Par exemple, le grand soleil d'Otto Piene m'a immédiatement fait penser à une version épurée d'une aubergine parmigiana." D'autres fois, c'est le contenu qui joue un rôle. "Les clous ondulants et rythmiques du Champ sombre de Günther Uecker m'ont conduit à la théorie Bouba-Kiki." Ce principe, selon lequel certaines formes sont intuitivement liées à des sons, est une idée que Beudaert veut étendre aux saveurs. "Je veux aller plus loin et relier formes et sons aux goûts."
Art et gastronomie
La relation entre l'art visuel et la gastronomie existe depuis longtemps, mais selon Beudaert, elle n'a pas été suffisamment explorée. "Le lien entre les deux existe depuis longtemps, mais personne ne s'est jamais vraiment penché dessus en profondeur, sauf si j'ai manqué quelque chose." Il fait référence à la performance controversée de Documenta du chef Ferran Adrià en 2007. "Aussi brillant que soit Ferran, il ne semblait pas trouver de réponse à la question des conservateurs." Cependant, Beudaert entrevoit un avenir dans une approche plus intégrée. "Dans le futur, j'imagine des performances gastronomiques où la nourriture, le théâtre, la musique, la danse et le cinéma se rejoignent dans une sorte de Gesamtkunstwerk."
Curateur de saveurs
Beudaert voit des parallèles clairs entre le rôle d'un curateur et celui d'un chef. "On pourrait dire que la création d'un menu, la sélection des ingrédients et des plats, suit le même processus que l'organisation d'une exposition." Pour lui, la force réside dans des choix délibérés et l'évitement de la surcharge. "Les chefs et les curateurs font souvent l'erreur de vouloir en montrer trop." Son objectif est de créer une expérience qui reste gravée dans la mémoire. "Alors, vous tatouez leur mémoire avec des souvenirs marquants."
Un nouveau départ
Qu'espère Beudaert que les visiteurs retiendront de cette combinaison unique entre art et gastronomie ? "J'espère que les visiteurs, mais aussi les chefs et les artistes, commenceront à réfléchir eux-mêmes à la relation entre les deux, et que nous pourrons découvrir ensemble un nouveau monde créatif." Pour lui, une chose est certaine : "Je pense que nous ne sommes qu'au début de quelque chose de nouveau."