Toespraak gehouden ter gelegenheid van de Brueghelherdenking in Brussel, 31 mei 1924
Mes dames, mes damoiselles, messieurs, mes chers confrères,
Prosternons nous et saluons largement le plus grand de nos peintres
Brasier d’art pur réchauffant nos cœurs. Volcan de cocagne crachant
mille délices picturales et autres. Phare puissant entre les phares. Phare
crucifié de lumière. Phare sauveur. Phare de joie. Phare réconfortant
Phare abracadabrant. Phare sans éclipses. Phare eclairant l’infini
des mers, l’horizon des terres. Phare sublimant le monde où l’on rit.
Phare dénonçant le monde où l’on s’ennuie. Phare dressé en beauté.
Phare viril. Phare étoilé d’allégresse. Phare farouche. Phare phara-
-mineux. Phare des bons farocrates. Phare des estaminets enfumés.
Phare saucissonné. Phare entrelardé. Phare de bon aloi. Phare
de la délivrance. Phare des nefs et des vapeurs. Phare des vierges et des
douleurs.
A Toi ! Breughel le drôle, Breughel des marolles. Breughel des pay-
-sans, des vilains joyeux, des goujats miséreux, des gras poupards,
des maigres blaffards, des reîtres babillards, des ribaudes cuisseautées,
des commères fessues, des mégères goulues, des soudards crachant
leurs dents, des lansquenets dévorant, des patients hurlant, des
médecins ignorants, des charlatans savants, des arracheurs de
canines, des avares lunettés comptant cent mille écus, et des
notes miteuses d’apothicaires griffus.
Des porchères rêveuses, des poissardes mélancoliques, des cuisiniers
dangereux, des diables bons enfants à queue de moustiques, des
démons turlupinant des peintres héroïques. Encore diablesses
modernes surchauffées allumant moines égrillards, damnés
gigotant braisés à l’anglaise. Singes volutés habillés d’arabesques ,
Beautés tripatouillées chatouillant rois burlesques. Cardinaux
à bec de merle. Procureurs bouffis rougis par des homards,
grands juges pincés au nez camard. Des chaudières et des
marmites, des pieds de veau et des lèche-frites, des proverbes
nuancés, des Babels ironiques, des paysages surprenants, des
oiseaux extra-comiques, des noces gauffrées, des mariées epais-
-ses grasses de baisers, des chats-minets miauleurs, des chiens
galleux arrosant les rois mages ou d’image, des batailles
des bagarres et des dévastations.
Mesdames, damoiselles, messieurs et confrères amis
Recueillons nous un moment et songeons au plus grand des
peintres de chez nous, oui, un moment de silence pour notre vieux
Breughel, le maître de la délivrance, le maître chatouilleur des
amours propres brabançons, le maître réveilleur de nos malices natio-
-nales et de zwanzes farcies, le libérateur par excellence, l’imagier
cher à nos petits enfants. Lui notre bon Dieu à tous : jeunes ou vieux
petits et grands, anciens ou modernes, réalistes, constructeurs, cubistes
expressionnistes et Cie et pour lui plus bas, je vous demande une petite
fleur de pensée, un signe de reconnaissance, une émotion d’art, un
indice d’amour, un moment de grand silence.
,3 Et vous les cracheurs des bonnes eaux de Bruxelles et du Bock
Et vous les otaries de la montagne de la cour du monument
Anspach et de Brouckeire, glou, glou, glou et tous les jets et les
plongeurs de la cité, glou, glou, glou, glou et tous les brasseurs
alambiqués du sud des Brabants plantureux, glou, glou, glou, glou, glou !
Soyons fiers de notre peinture flamande, la plus belle, la plus
solide, la plus fleurie, la plus parfumée, la plus honnête, la plus
civiles des peintures.
Elevons nos yeux et nos verres vers celui qui a tout créé, vers ses
pôles puissants nos destinées picturales clairement s’orientent.
Créateur de l’art moderne, du paysage moderne, il a tout
prévu: lumière, atmosphère, vie mystérieuse des êtres et des
choses et que dire de la couleur miraculeuse du drôle
entre les drôles, du goujat bouleverseurs de mondes
Une pensée destinée aux reliques du grand homme encore
aux bons flamands ici présent. Ils emporteront bien des fleurs
en bouquets, ces flamands au grand cœur, joyeusement
ils parlerons de notre fête d’art aux gens, aux arbres, aux
feuilles aux fleurs, aux enfants peintres du beau pays des
couleurs et des contes.
Levons plus haut nos verres : Breughel, pilier du monde
miracle de l’art flamand et vive notre peinture et vivent
nos beaux peintres et Vive Breughel l’impérissable Breughel
le drôle, Breughel des paysans, Breughel de velours , Breu-
ghel d’Enfer, Breughel le Vieux, Breughel le Jeune,
Breughel des flamandes, Breughel défenseur des enfants
innocents, Breughel bon enfant, Breughel! Breughel!!
Breughel !! Honneur à vous
James Ensor
Mai 1924
,
2 Après notre prière, je dis avec vous:
Breughel notre Dieu, Breughel notre père. Phare de joie délaissé par
Baudelaire. Phare de merveilles et des mirages délicieux.
Nos compagnons, amis de France, ignorent les couleurs de nos images.
L’un d’eux vint me dire : “Breughel petit maître, illustrateur de
Rabelais” Encore “ de Braekeleer c‘est bon mais nous avons Bouvin,
c’est mieux ! ” mais un bon vent expiatoire de matière souffle en
France pour lancer à Paris nos peintres matériels. Oui, nos gestes
sont picturaux, nos inventions énormes, nos pensées tragicomiques
nos tentations burlesques, nos désirs de la pleine, nos Paradis pâteux
et de lait composé et nos crotjes sont de beurre.
L’autre jour je fus bien belge devant Edmond Jaloux, le plus délicat
des critiques de France, quand épongeant soigneusement un morceau
de ma peinture je fis reluire l’émail précieux, la matière sonore
de la couleur de chez moi : alors j’ai songé à nos blondes servantes,
poules de Cocagne, bellement accroupies sans façon à l’antique,
lavant, torchonnant, savonnant : pavements, parquets et planches,
porcelaines, faïences cuivres et vaisselles à grand renfort d’eau
pure et de franc savon.
Avec Charles Morice et Octave Mirbeau aimons nos filles
puissantes, largement découplées. Combien je les admire quand
torse ployé, crouppe bombée de façon triomphale, nez flai-
-rant cuvelle, elles frollent de leurs tétines laiteuses nos
beaux trottoirs endimanchés.
Alors les maîtres écrivains enthousiasmés battant des
mains, tapant du pied remuant bec et lèvres magnifie-
-rent très spirituellement, ma foi, une Belgique nouvelle
à leurs yeux, une Belgique vraiment Breughelienne maté-
-rielle, charnue, charnelle , cossue, haute en couleur, emi-
-nemment savoureuse et le voile séparatif des incompréhen-
-sions fuit définitivement déchiré.
Cher confrères, à l’exemple de nos sœurs ou syrènes de
Brabant, nettoyons notre peinture, raffraichissons nos couleurs,
rinçons nous l’œil, avivons nos éclats picturaux sous l’averse
bonne et limpide.
Oh ! Manneken Pis, arrosez nous, glouglou et vous le cra-
-cheur, crachez donc au nez des sec-secs au coeur sale, glou-
glou-glou ! Manneken Pis, enfant joli, élégant, mièvre, char-
-mant, cher à De Coster, Demolder, Lynen, cher à monsieur
max surtout. Baptisez nous glouglou au nom du père, du
fils et du Saint Esprit Breughélien.
Over dit archiefstuk
Identificatie
- Objecttypehandschrift
- TitelToespraak gehouden ter gelegenheid van de Brueghelherdenking in Brussel, 31 mei 1924
- Datum05/1924
- RelatiesAuteur: Ensor, James
Baudelaire, Charles, Rabelais, François, Jaloux, Edmond, Morice, Charles, Mirbeau, Octave, Demolder, Eugène, Lynen, Amédee, Max, Adolphe, Brueghel De Oude, Pieter - Onderwerpkunstenaars
Kenmerken
- Genreredevoeringen
- Dragerpapier [vezelproduct]
- schrijfmateriaalpennen
- TaalFrans
- Digitaal afbeeldingsnummerA4117
- CopyrightPublic domain
Aantekeningen
- Annotatie-InhoudOp de voorzijde van het laatste vel staat onderaan in potlood een moeilijk leesbare alinea tekst. | Ensor vermeld een aantal personen, onduidelijk over wie het gaat: - schilder Henri of Ferdidand de Braekleer? - Franse schilder François Bonvin, Emile Boivin of Eugène Bodin? - schrijver Charles de Coster?
Locatie
- MagazijnlocatieKMSKA archiefdepot
- Deel van archief
Extra gegevens
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