J'ai 26 ans. J'ai peint Le lampiste, La Mangeuse d'huîtres, le Salon bourgeois, les Enfants à la toilette, des marines, des masques et des portraits.

J’ai 26 ans. J’ai peint Le lampiste, La mangeuse d’huîtres

Le salon bourgeois, Les enfants à la toilette, des marines

des masques et des portraits. J’ai dessiné les auréoles du

christ ou les sensibilités de la lumière et des types ostendais

Je ne suis pas content.

Des idées de survie me hantent, la matière picturale péris

-sable m’inquiète. Je redoute la fragilité de la peinture.

Pauvre peinture exposée aux méfaits du restaurateur,

à l’insuffisance, aux calomnies des reproductions.

Oui, je veux parler longtemps encore aux hommes de

demain. Je veux survivre et je songe aux cuivres solides

aux encres inaltérables, aux reproductions faciles, aux

tirages fidèles et j’adopte l’eau-forte comme moyen

d’expression.

En 1886, je grave directement des paysages marins

où la lumière abonde et sous l’écran tamisé des

nuées mordorées l’accent des beaux traits agréable-

-ment se dessine sans états ni repentirs.

Alors, c’est le sourire et pour montrer ma belle joie

je grave mes cathédrales, mes triomphes, mes diables

comiques et mes masques narquois et certain d’une

survie due à dame gravure, je reprends ma palette

avec un bel aplomb et la couleur fraîche et pure

à nouveau me domine.

James Ensor

Ostende, novembre 1934