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manuscrite

James Ensor et les masques africains et ostendais

Prose dans laquelle Ensor souligne la différence entre les masques africains, qu'il associe à toutes sortes de péchés, et les masques d'Ostende, qu'il apprécie beaucoup.

Beaux Arts 25/6/1937

 

James Ensor et les masques africains et ostendais

 

Que dire des origines troubles, bouches, cachées du

masque d’Afrique. Que dire des péchés capitaux

et des crimes couvés et commis sous le masque, couverts

par le masque. Aux siècles d’esclavage, masque si-

gnifiait lâchete , dissimulation, criminalité, crapulerie,

égoïsme, exploitation, impunité, duperie, fuite, dé-

-traquement, cruauté, satanisme, morsure griffes et fé-

-minités. Du masque au fard il n’y a pas loin.

Je condamne sans rémission le masque mal venu

des enfers d’Afrique, d’Asie, d’Océanie, de Meurtricie,

de Sommeillie, de Cracozie.

 

Certes, je transfigure avec délices les masques vomis de nos mers infinies.

 

Je rends, je grave, et dessine les monstres polis, vernis, laminés par les vagues fragiles.

Je peins et caresse nos sirènes, chevalières, bariolées, bardées, crispées élancées,

auréolées, phosphorées de cent mille jeux précieuse.

Hardi ! sirènes lucides, musiciennes mordorées, cavales de la mer, prenez sans

tarder, prenez goulûment le morse aux dents.

Je redirai ouvrez ouvrons tous les hublots. Ostende, ville étrange, à toi les clefs de

ton écu de sables et d’or. Entrez au large, Ostende lumière, avec toi je salue nos

masques allumés de franchise et de gaité. Et foin des traits et des attraits faciles

et vieux jeu du fétiche négroïde ou gorille.

Fermez vos becs sorciers-sourciers, congolâtres, idolâtre trop prônés, suiveurs mis à

sac et à sec. Et foin et foin ! des maigres pitances alimentant nos léopards édentés,

suant hurlant sang et misères. Haro ! rois tristes, fainéants, caverneux, grimaciers

noirauds tatoués sur tranches et coutures, et entaillés sur mesure. Assez de vos cauche-

-mars baveux, vilains esthètes, désagrégés sans queue ni tête. Inspirateurs de ma-

-boulie portant lèvres sur plateau et verres sanglants au museau.

Voyez, goûtez nos masques ostendais. Oui, ils évoluent aux quatre vents de l’esprit,

habillés de tendresse, corsé de joliesses, pourprés, azurés, nacrés, coquillés, huîtres, sur-

moulés, rayés, turbotés, barbus, stockfischés, schollés, gaminés, farcis de fantaisie, ils

s’en donnent à cœur joie. Adorable mascarade, couleurs cinglantes, gammes et jardins

d’amour, chants de bourdons, chocs de cristaux, cloches sur le peaux. Oui, notre

carnaval est chaud.

,

Et vous marcheurs Wallons dues des doudoudoux,

des ducasses, coquasses, de cocardasse, sauteurs en

rond mirlitonnés, ruineurs mayeurs déboutonnés,

gilles bossus, étoiles de miauliez entrez en danse.

En l’air, au vent, aux ailes, aux moulins lancez

vos couvre chefs grisaillés, vos casques, claques, casquettes

et bonnets enrubannés.

Rétablissons nos carnavals purs et nature, ceux

des rues, des ruts et ruées, des mascottes massives ;

des grues carminatives, des plumets et des sabots.

Faut mériter de l’art de chez nous, art sain sans

peur ni reproches. Sus aux léopards de contre bande.

Hardi nos gilles et nos lions !

                                                               James Ensor

À propos de ce document d’archive

Identification

  • Type d'objetmanuscrite
  • TitreJames Ensor et les masques africains et ostendais
  • Date25/06/1937
  • RelationsAuteur: Ensor, James
  • LieuOstende
  • Sujetmasques [costume]

Caractéristiques

  • Genrecontemplative prose
  • Supportpapier
  • Matériel d'écriturecrayons [pencils]
  • Numéro de l’image numériqueA5005
  • Droits d'auteurCopyright undetermined

Annotations

  • Contenu de l'annotationÉcrit sur du papier à en-tête de l'Hôtel Providence-Régina à Ostende, avec l'année pré-imprimée '194..'

Lieu

Données supplémentaires

Rubens

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