Le musée rénové invite ses visiteurs à regarder sous un angle différent, et dès lors, à voir davantage. Intégrer des prêts dans le parcours muséographique constitue pour ce faire une excellente opportunité. Ainsi, les cinq années à venir, nous accueillerons huit œuvres phares provenant du musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam qui, à son tour, a entamé des travaux de rénovation.

Il va sans dire, le KMSKA se voit doté d’une belle collection, de la sorte que lors de l’ouverture du musée, sélectionner les œuvres d’art à exposer en salle ne fut pas chose aisée. Toutefois, notre objectif est de faire toujours mieux. Les remarquables prêts de Boijmans permettront de mettre en avant notre collection dans un contexte plus large. Les œuvres de Salvador Dalí, Jean-Michel Basquiat, Peter Paul Rubens, Oskar Kokoschka, Jan Toorop, Marcel Broodthaers, Eugène Delacroix et Bill Viola intensifient à merveille l'impact des thèmes des salles.

Boijmans au KMSKA

Comment un Rubens peut-il renouveler notre regard sur une collection regorgeant d’œuvres de ... Rubens ? Paysage au crépuscule avec chariot n'est pas une œuvre religieuse du maître. Cette peinture tardive de Rubens préfigure ce que sera le romantisme, période où les artistes dépeignent la nature avant tout comme un refuge idéal, loin de la misère quotidienne. Ce charmant paysage nocturne de Rubens fait face aux peintures spectaculaires mettant en scène une nature indomptée, menaçante.

Un prêt très remarquable est celui du Paysage avec une jeune fille sautant à la corde de Salvador Dalí (1904-1989). L'œuvre est installée au centre de la salle Kwaad (Mal). Que fait une fille qui saute à la corde dans une salle peuplée de démons et d'étranges créatures hybrides ? Est-ce le vide du désert ? Le silence assourdissant ? Les personnages secondaires ? Regardez, sentez, comparez et découvrez par vous-même.

Puis, dans la même salle, on découvre cette œuvre de Marcel Broodthaers (1924-1976) Une vipère, un vampire, une vitre. Chez cet artiste belge, c’est l'ambiguïté qui l'emporte. Parmi les nombreux rébus rassemblés dans cet espace muséal, l’œuvre constitue un bel ajout. 

Paysage avec une jeune fille sautant à la corde - Salvador Dalí, Collection Boijmans Van Beuningen, Photo: Karin Borghouts
Unevipère, unvampire, unevitre - Marcel Broodthaers, Collection Boijmans Van Beuningen, Photo: Wouter Bollaerts

À Rotterdam, Le mandrill d'Oskar Kokoschka (1886-1980) figurait parmi les favoris du public. Ses larges coups de pinceau, puis ses couleurs vibrantes soulignent la nature indomptée de l'animal. Pourtant, le singe se trouve comme dissocié de son environnement naturel. Il en va de même de ces nombreux notables du XVIIe siècle, exposés dans la salle Imago (Imago) dont la richesse se détache sur un fond sombre uni. Est-ce qu’à Anvers, le public vouera-t-il au mandrill la même admiration ?

Droit: Le mandrill - Oskar Kokoschka, Collection Boijmans Van Beuningen, Photo: Karin Borghouts

De Kings of Egypt II de Jean-Michel Basquiat (1960-1988) émane une domination obscure et, dans le même temps, un profond sentiment d’impuissance. Dans la salle Onmacht (Impuissance), le tableau se voit entouré du souffrant Pierre de Wissant d'Auguste Rodin et de quatre bustes somptueux en marbre blanc qui représentent des gouverneurs généraux. Qui remportera ce combat artistique ?

Les prêts de Boijmans ne sont pas seulement juxtaposés aux œuvres de la collection. Parfois, ils entrent à merveille en résonance avec les pièces du KMSKA, comme le Christ en croix, œuvre de taille modeste d'Eugène Delacroix (1798-1863) qui est venu à deux reprises à Anvers pour étudier Le coup de lance d'Anthony van Dyck (1599-1641). Il va de soi que désormais sa poignante esquisse trouve sa place à côté du retable du maître ancien.

Dans la salle Lijden (Souffrir), la vidéo L’homme de douleurs de Bill Viola (né en 1951) est présentée en face des tableaux d'Albrecht Bouts (c. 1452-mars 1549) et de James Ensor (1860-1949). Il se dégage de ses œuvres, qui partagent le même titre, la même souffrance, ce qui montre à quel point cette représentation explicite du chagrin émeut les artistes à travers les siècles.

La nouvelle génération de Jan Toorop (1858-1928) côtoie La chute des anges rebelles, œuvre de son ami proche, James Ensor. En adoptant des couleurs claires pastel, les deux hommes tournent le dos au réalisme.

Christ en croix - Eugène Delacroix, Collection Boijmans Van Beuningen, Photo: Karin Borghouts
Droit: La nouvelle génération - Jan Toorop, Collection Boijmans Van Beuningen, Photo: Karin Borghouts

Anvers-Rotterdam

Nous avons pu bénéficier de ces prêts à long terme du fait que le musée de Rotterdam ferme ses portes jusqu'en 2029 pour une rénovation de longue haleine. Pendant les travaux de rénovation, Boijmans souhaite que sa collection reste autant que possible accessible au public. Dans le passé, le KMSKA et Boijmans ont déjà collaboré sur différentes expositions. Puis, bien sûr, Anvers et Rotterdam sont étroitement liés sur le plan politique et économique. Le présent échange culturel donnera une nouvelle impulsion à cette relation. 

En outre, le KMSKA a une relation particulière avec Rotterdam puisque l’agence KAAN Architecten qui a élaboré notre plan directeur pour la rénovation est également originaire de Rotterdam.