Le KMSKA a, en amont de sa réouverture en 2022, exploré ses attaches coloniales. En particulier le financement provenant du Congo et le zoo humain sur la place du musée ont été l’objet de notre étude. Puis, certaines lignes de l’histoire coloniale au sein de la collection ont été mises en exergue. Nous présentons ici nos principales conclusions et clarifions quelques ambitions pour l'avenir.

1. FINANCEMENT COLONIAL

CONSTRUIT AVEC DE L’ARGENT DE SANG ?

Pour le financement des travaux de construction en Belgique, Léopold II a eu recours à d'importantes sommes d'argent provenant du Congo. Depuis plusieurs années, la conscience publique autour de ce phénomène s’est éveillée. Un exemple connu est le Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC) à Tervuren, construit avec des fonds de l’État indépendant du Congo sous l'impulsion directe de Léopold II.

Il semble que selon certains, le KMSKA a connu une genèse similaire, or, cela ne semble pas être le cas. Le coût du bâtiment, 2 millions de francs belges, fut assumé à parts égales par la ville d'Anvers et l'État belge. Il découle de la chronologie du projet que la ville et l'État n'ont pas obtenu ces fonds-ci du Congo.

La construction du musée, approuvée en 1875, commença en 1884. Le bâtiment fut achevé en 1890. Bien que l'État indépendant du Congo ait déjà été créé en 1885, la colonie n'a généré des revenus pour l'occupant belge qu'après l'augmentation de la demande en caoutchouc vers 1895. Le 25 juillet 1890, Léopold II et le prince héritier Baudouin ont visité en avant-première le nouveau musée. À l’époque, le souverain était déjà responsable d'une répression brutale au Congo, mais la colonie ne lui avait pas encore rapporté de gros bénéfices. À titre de comparaison : le MRAC fut construit en 1897 et agrandi en 1908-10.

DONATIONS COLONIALES POUR LA COLLECTION ?

L’occupation belge, considérant le Congo comme territoire conquis, tenta à extraire le plus de richesses possible de la colonie. Rendant par-là les sociétés coloniales belges parmi les plus lucratives au monde, le Congo se charge d'un lourd héritage. D’emblée, des entrepreneurs anversois étaient par truchement de Léopold II impliqués dans le projet colonial et ils ont de ce fait bénéficié très tôt d'une part des gains.

Entre 1815 et aujourd'hui, le musée a vu sa collection s’élargir de 241 à 5 500 objets suite à des dons, des legs et des acquisitions. Les dons et legs, au nombre de 1 742, représentent une augmentation de la collection de près de 39%. Parmi les donateurs, nous trouvons quelques familles dont les liens coloniaux sont avérés, telles que les Osterrieth, les Grisar et les Franck. En collaboration avec une équipe d'experts, nous avons sondé quels donateurs individuels étaient politiquement actifs au Congo ou engagés dans le commerce colonial avant qu’ils aient offert des œuvres au KMSKA.  

Chaque membre des familles citées n’est pas forcément lié au Congo. François Franck, qui a fait don de 27 œuvres au musée, était actif dans le domaine des antiquités et de la décoration intérieure. Puis, les familles mentionnées disposaient souvent déjà de fortunes avant le début de la période coloniale, ce qui a, par exemple, permis à Felix Grisar de faire don de deux tableaux en 1879, avant même la création de l'État indépendant du Congo.

57 œuvres provenant de 18 donateurs différents sont éventuellement ou probablement financées par des fonds coloniaux. Cela représente 3,3 % de la totalité des dons. Le groupe le plus important est constitué de 16 œuvres offertes après 1885 par Arthur Van Den Nest. Van Den Nest fut un homme politique anversois de premier plan et le président de l'Anglo-Belgian India Rubber Company (ABIR), un acteur majeur de l'exploitation du caoutchouc qui entretenait des liens étroits avec Léopold II et faisait régner la terreur au Congo.

LE KMSKA SUBVENTIONNÉ PAR LE CONGO ?

Pendant la période coloniale, le KMSKA, aujourd'hui une agence autonomisée au sein de la Communauté flamande, fut une institution belge. Sur le plan administratif, le musée dépendait alors du Ministère des Sciences et des Arts (1890-32), et plus tard du Ministère de l'Instruction publique (1932-60). Entre 1890 et 1960, le musée acquit 1 797 œuvres par le biais de budgets publics. En outre, de 1930 à 1960, les membres du personnel étaient fonctionnaires de l'État belge.

Certaines institutions coloniales belges, telles que le MRAC, le Ministère des colonies, l’Université coloniale et l'Institut tropical, étaient quant à eux financées directement par les caisses de l’Etat congolais pendant la période du Congo belge (1908-1960). Autres institutions fédérales, comme le KMSKA, étaient subventionnées par les caisses de l’Etat belge.

Il est difficile de quantifier le poids de l'activité coloniale dans les caisses de l’Etat belge. Pourtant, l'état actuel de notre étude suggère qu'il ne faut pas surestimer cette participation. Selon les calculs effectués en amont de l'indépendance du Congo, la part coloniale dans les recettes fiscales belges se situait à 3,6 %. Il est généralement supposé que les plus gros bénéfices coloniaux ont profité aux banques, entreprises et fortunes privées. Il se peut que l'acquisition d’œuvres au bénéfice du KMSKA a été financée avec des fonds provenant du Congo par le biais de subventions mais, le cas échéant, seulement dans une mesure limitée.

2. LE ZOO HUMAIN SUR LA PLACE DU MUSEE

Le prochain volet aborde une page sombre de l'histoire de la place du musée : le zoo humain faisant partie de l'Exposition universelle de 1894. À cette occasion, 144 personnes originaires du Congo étaient exposées. Sept y ont perdu la vie. L'Exposition universelle et le rôle du KMSKA seront successivement développés.

HISTORIQUE

À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les expositions universelles furent un évènement international. Dans plusieurs pays européens, celles-ci constituaient des portes drapeaux de l'industrialisation et du commerce international qui allaient souvent de pair avec l'impérialisme et la colonisation. Au sein de différentes sections, les pays participants étalaient leurs grandeurs.

Entre 1885 et 1958, la Belgique a accueilli 11 expositions universelles dont trois à Anvers. Les éditions anversoises de 1885 et 1894 se sont déroulées au quartier Het Zuid. Aujourd'hui, ce quartier forme une partie intégrante de la ville, mais à l'époque celui-ci était encore en pleine expansion. Les expositions universelles mettent le nouveau quartier sous les feux de la rampe. L'organisation fut confiée à une SA, spécialement créée à cet effet, qui entretenait des liens étroits avec le monde des affaires et le conseil municipal d'Anvers.

La première exposition universelle d'Anvers s’est tenue l'année de la fondation de l'État indépendant du Congo. L'événement a aussitôt été récupéré par les collaborateurs de Léopold II comme outil de propagande. Dans le majestueux hall central, on tenta d’attirer l’intérêt des investisseurs en exposant des matières premières en provenance du Congo. La Société royale de géographie (Koninklijk Aardrijkskundig Genootschap ou KAGA), une association fondée sous l’impulsion du roi Léopold II, créa un pavillon distinct dédié au Congo. Ce pavillon se situait près du Waterpoort sur le Vlaamse Kaai et servait de vitrine pour des objets congolais pour la plupart pillés. 

À l'extérieur, devant le pavillon du Congo, elle fit construire une hutte d’ornement. Douze Congolais furent amenés afin de poser pour un public occidental. Les zoos humains, exhibant « l’autre » en tant qu'objet, sont issus d'une longue tradition. Depuis les éditions de Paris (1878), d'Amsterdam (1883) et d'Anvers (1885), ils devinrent partie intégrante des expositions universelles. Des peuples non occidentaux y sont humanisés et exhibés dans un cadre primitif, une stratégie permettant l'Occident à légitimer ses pratiques de colonisation. En 1885, le pavillon du Congo attira jusqu'à 15 000 visiteurs par jour.

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Figure 1 – Détail de la carte de l'Exposition universelle de 1884 illustrant les environs du KMSKA - C.H. Bertels, Stadsarchief Antwerpen.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1894

En 1894, une nouvelle exposition universelle fut organisée à Anvers. La section coloniale fut mise sur pied par l'administration de l'État indépendant du Congo. À l'époque, la colonie frôla la faillite. On se servit de l'exposition universelle pour redorer le blason et comme outil de propagande coloniale. Se composant d'un pavillon du Congo, d'un diorama et d'un village congolais, la section coloniale prit de l’ampleur, le tout sur la place devant le KMSKA (aujourd'hui place Leopold De Waelplaats).

Le monumental Pavillon du Congo (Fig. 1, n° 116) offrait une vue d'ensemble des activités coloniales. Parmi les objets et ustensiles congolais, on faisait la promotion de marchandises coloniales et des œuvres en ivoire congolais produites par des artistes belges contemporains. Un diorama (n° 117) plongeait les visiteurs dans des panoramas du Congo peintes par Henri Langerock (1830-1915). Les conquêtes d'Henry Morton Stanly (1841-1904) y sont présentées comme une libération du « joug des Arabes », un récit longtemps promu par l'État belge.

Cette fois, pas de hutte pour le pavillon du Congo, mais un véritable « village » (n° 115) pour lequel 144 Congolais furent transférés comme objets d’exposition. Pendant la journée, ils effectuaient sous le regard des visiteurs différents activités : vannerie, travail du métal, musique, sculpture etc. La nuit, ils dormaient dans des baraquements militaires. Ces conditions dégradantes ont pris une dimension particulièrement maléfique. Le projet fit payer un lourd tribut physique aux participants : 44 Congolais tombèrent malades à la suite du voyage en bateau ou de leur séjour à Anvers. Sept d'entre eux y perdirent la vie. Ils s'appelaient Bitio, Sabo, Isokoyé, Manguesse, Binda, Mangwanda et Pezo. Ils étaient tous âgés de 17 à 31 ans et sont enterrés au cimetière Schoonselhof.

LE RÔLE DU KMSKA

La question du lien entre le KMSKA et l'exposition universelle de 1984 s’impose.

 

Figure 4 – Détail fig. 2 avec l’entrée de l’aquarium - KMSKA
Fig. 2 – Gravure du pavillon du Congo à l’Exposition universelle de 1884 - Th. Latin, Rijksmuseum.

Sur un plan détaillé de l'Exposition universelle, le musée est également appelé « aquarium » (n°118). Une photo du village fictif (fig. 2-3) montre sur la droite, devant le bâtiment du musée, un panneau indiquant l'entrée de l'aquarium. Dans les caves, des poissons tropicaux furent exposés dans des aquariums fabriqués spécialement pour l’occasion. Les cadres de deux d'entre eux sont toujours conservés (fig. 4). Il en ressort que les caves du KMSKA faisaient donc partie de l'Exposition universelle.

Puis, un plan a été mis sur pied afin d’impliquer les salles à l’étage supérieur du musée à l'événement. Le baron de Vinck-de Winnezeele proposa d'y exposer des statuettes contemporaines en ivoire. Le conseil d'administration du musée s’y opposa pour des raisons logistiques. Dans les salles que le baron avait en tête, le musée présentait déjà les gravures de l'œuvre de Rubens. C’est la raison pour laquelle cette partie du programme fut réorientée vers le Pavillon du Congo.

Il ressort de cette dernière histoire que les initiatives visant à faire participer le KMSKA à l'Exposition universelle ont été prises hors du musée, ce que suggère également une lettre du musée à la ville d'Anvers au sujet des aquariums. Dans cette lettre les auteurs se plaignent de la puanteur et signalent des fuites pouvant causer des dommages permanents.

Le KMSKA n'était manifestement pas aux commandes lors de l'exposition universelle qui fut organisée par une SA avec le soutien du conseil municipal d'Anvers. En outre, la mise sur pied du zoo humain fut réalisée par l'administration de l'État indépendant du Congo sous la direction de Léopold II. Néanmoins, du fait de sa proximité, le zoo humain fait partie de l'histoire du KMSKA. Cette douloureuse histoire, nous la déplorons profondément. Aujourd'hui, le musée s’opposera à un tel projet inhumain.

3. HISTOIRES MOINS GRACIEUSES

Un musée raconte des histoires. Les œuvres sont exposées de manière à interagir et donnent, par le biais de canaux variés, un sens à la collection. Raconter implique faire des choix. Souvent, le premier réflexe est d’écarter les histoires moins gracieuses.

Au sein de la collection du KMSKA, l'histoire coloniale refait surface mais jusqu’à présent cette facette de l’histoire a été globalement délaissée. Le chapitre qui suit fait un premier pas dans cette direction. Tantôt, certaines œuvres restées longtemps au dépôt sont mises sous le feu des projecteurs, tantôt, les objets en salle sont regardés sous un autre angle. L'objectif est de souligner l'interaction entre le passé du KMSKA, la ville d'Anvers et le Congo, sans pour autant négliger la face sombre.

La Diane de Dupon est la seule des œuvres mentionnées ci-après qui est actuellement exposée en salle et dotée d’un cartel. Le contexte colonial de l’œuvre y est commenté. Quant à l'éclaircissement des autres œuvres, nous nous référons à ce cartel et à nos guides.

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Figure 5 – Détail de la Salle De Keyser avec l’effigie du Leopold II - Nicaise De Keyser, KMSKA

ÉTAT INDÉPENDANT DU CONGO (1885-1908)

Des points de départ d'une histoire coloniale se trouvent parfois là où ne l'attend pas. La salle De Keyser, la grande cage d'escalier, illustre bien ce propos. Elle est décorée d’une vaste frise de tableaux glorifiant les artistes anversois de Nicaise De Keyser (1813-1887). Au total, 175 portraits sont intégrés dans l’œuvre. Il n’est donc pas étonnant que celui de Léopold II (fig. 5), qui se trouve au-dessus de la porte de l'estrade, ne retient pas immédiatement l'attention.

L’effigie de Léopold II ne servait à l’époque pas d’outil de propagande coloniale. C’est en 1872 que la frise fut créée par De Keyser pour l'Académie des Beaux-Arts d'Anvers qui abritait à l’origine la collection du KMSKA. À cette époque, Léopold II n'était pas roi de l'État indépendant du Congo, mais uniquement roi de la Belgique. Aujourd'hui, dans la perception du public, le portrait du souverain est, et on peut le comprendre, assimilé à sa politique congolaise. De 1885 à 1908, l'État indépendant du Congo fut la propriété privée de Léopold II. Son régime autocratique est marqué par le recours à la violence et au travail forcé.

Le roi, ses descendants et plus tard l'État belge utilisèrent l'art et la culture pour glorifier les politiques menées dans la colonie. Certains objets et artistes présents dans notre collection ont un lien avec ces projets.

Un exemple est celui de Thomas Vinçotte (1850-1925). Il a sculpté de nombreuses images du souverain belge, dont un buste aujourd'hui conservé dans le dépôt (fig. 6). L'artiste reçut plusieurs commandes pour des œuvres qui ont pour but de convaincre l’opinion du bien fondé de la politique congolaise de Léopold II. En 1912, il a conçu pour le parc du Cinquantenaire à Bruxelles le Monument aux pionniers au Congo belge. Cette œuvre vise à présenter la colonisation du Congo, qui avait déjà une réputation douteuse à l'époque, comme une œuvre civilisatrice. L'histoire selon laquelle le Congo est libéré des Arabes par la colonisation y est réitérée.

Vinçotte a également créé les deux attelages caractéristiques qui se dressent sur la façade principale du KMSKA. Puis, en collaboration avec le sculpteur Jules Lagae, il réalisa le quadrige qui trône au centre de l’arc de triomphe dans le parc du Cinquantenaire. Ce monument fut érigé en 1905 sous l'impulsion directe de Léopold II à partir, entre autre, de fonds congolais.

Figure 6 – Leopold II, Roi des belges - Thomas Vinçotte, KMSKA
Figure 7 – Art et Beauté - Emile Vloors, KMSKA

L’artiste Emile Vloors (1871-1952) est lui aussi associé à l'arc de triomphe du parc du Cinquantenaire (1871-1952). Dans les années 1920, lui et cinq autres artistes, réalisèrent une frise de 36 mosaïques pour la colonnade qui encadre l'Arc de triomphe se développant sur le thème « La glorification de la Belgique pacifique et héroïque », ignorant de ce fait les brutalités coloniales qui ont permis la construction de l’ouvrage.

Vloors a conçu les six scènes qui glorifient « la vie intellectuelle » de la nation. Nous montrons Arts (inv. 3798, salle de lecture) et Art et beauté (fig. 7).

L'effigie de Léopold II revient régulièrement dans une partie du musée moins connue, la collection de médailles. Celle-ci fut créée au début du XXe siècle afin de commémorer des personnes et des événements majeurs. À présent, les médailles sont toutes conservées dans le dépôt.

Dans ce contexte, une médaille assez curieuse du roi est celle de Fernand Dubois (fig. 8), frappée en 1894 pour le pavillon du Congo à l'Exposition universelle. Aujourd'hui, on associe la médaille avant tout au zoo humain faisant sept victimes. Manifestement, au moment de l'acquisition de la pièce dans le cadre d’une culture de mémoire, ce ne fut pas encore le cas.

Figure 8 – Leopold II, Roi des belges. Frappée pour l’Exposition universelle d’Anvers, section Congo en 1894 - Fernand Dubois, KMSKA
Figure 9 – Diane - Josuë Dupon, KMSKA

En 1900, 336 tonnes d'ivoire congolais ont transité par le port d'Anvers. Léopold II encouragea les artistes de travailler l'ivoire, ce que Josuë Dupon (1864-1935) a fait pour sa Diane. Que l’exploitation de l’ivoire a entraîné d'énormes souffrances animales et des conflits au Congo, il s’agit là bien du côté sombre de l’élégance qui émane de la sculpture de Dupon.

Dupon faisait partie d'un petit cercle sélectif de sculpteurs dans l'entourage de Léopold II. L’artiste fut l'élève de Vinçotte et un ami proche de Lagae. 

CONGO BELGE (1908-1960)

En 1908, à la suite des atrocités commises dans l'État indépendant du Congo, la région fut, sous pression internationale, annexée à la Belgique. Le Ministère des Colonies fut chargé de superviser la région depuis Bruxelles. Malgré qu'une charte coloniale interdisant le travail forcé soit établie, cette pratique se poursuivit.

Les héritiers de Louis Franck (1868-1937), deuxième ministre des Colonies, nous ont fait don du portrait de ce dernier (fig. 10) peint par Walter Vaes (1882-1958). Outre ses fonctions politiques, Franck était étroitement impliqué dans le fonctionnement du KMSKA. Il siégea au comité du musée et était également membre d'associations telles que L'Art Contemporain (Kunst van Heden) qui avait pour objectif de promouvoir l'art contemporain.

De la période du Congo belge datent certaines œuvres qui font écho à l'art congolais. Des artistes antérieurs, tels que Vinçotte et Dupon, se conformaient aux idéaux européens classiques de la beauté. Plus tard, il est courant que les artistes s'inspirent d'autres cultures. Ainsi, les masques africains ont révolutionné le langage visuel de Picasso.

Figure 10 – Louis Franck, Ministre d’État - Walter Vaes, KMSKA
Figure 11 – Le manteau - Oscar Jespers, KMSKA

Le Congo constituait pour les artistes belges une porte d'entrée évidente vers de nouvelles formes. Et nul besoin de se rendre au Congo. Depuis 1897, Tervuren disposait d'un musée colonial, devenu plus tard le Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC). En 1910, celui-ci fut installé dans un vaste bâtiment neuf. Masques, sculptures, armes, ustensiles, souvent pillés au Congo, y étaient exposés. Le sculpteur Oscar Jespers (1887-1970) s'est inspiré de ses visites à la collection. Pour son œuvre Le manteau (fig. 12), la chevelure d'une sculpture en bois des Luba congolais est considérée comme une source d'inspiration.

Le MRAC présentait également des œuvres d'artistes belges, dont celle de Jespers. En 1922, le Ministère des Colonies, alors sous la direction de Franck, lui commanda Femme noire à la cruche pour la collection. Ce fut une commande importante pour Jespers qui recevra pour sa sculpture en bronze  30 000 francs belges payée par les caisses de l’Etat congolais, un montant énorme à l'époque pour une sculpture. À titre de comparaison, Le manteau s'est vendu 6 500 francs belges.

Au cours des années 1950, le peintre Floris Jespers (1889-1965), frère du sculpteur Oscar, s’est rendu à plusieurs reprises au Congo belge. Ses voyages ont provoqué un tournant dans son œuvre tardive. Des figures congolaises, comme la Femme africaine (Fig. 14), y jouent le rôle principal. Ses nouvelles œuvres ont été très applaudies en Belgique. Jespers reçut également plusieurs commandes de peintures murales pour des bâtiments publics au Congo colonial. Sur commande du Ministère des Colonies, il réalisa un grand tableau pour le pavillon du Congo à l'Expo 58, la dernière exposition universelle belge à présenter un zoo humain.

Figure 14 – Femme africaine – - Floris Jespers, KMSKA
Figure 15 - Tête de femme - Maître anonyme, KMSKA

 

Comme il est courant chez les coloniaux, les lettres de Floris Jespers reflètent un sentiment de supériorité à l’égard du peuple congolais. Toutefois, Jespers considérait le Congo et son art comme partie intégrante de sa personnalité artistique. Il s’est approprié le pays. Selon un article de journal publié à son décès. Jespers serait enterré au cimetière Schoonselhof d'Anvers dans de la terre qu'il avait ramenée du Congo.

Pour terminer, signalons deux pièces africaines qui font contre toute attente partie de la collection du KMSKA  (fig. 15 et inv. 3241, dépôt). Elles étaient léguées par les héritiers de Camiel Huysmans (1871-1968), le bourgmestre socialiste d'Anvers. En 1951, Huysmans s'est rendu au Congo. Il est possible qu'il ait à cette occassion ramené cette sculpture en ébène d'une tête de femme, modèle confectionné en grand nombre pour le marché européen.

 

Koen Bulckens

La réalisation du présent article n'a été possible que grâce à l'apport enrichissant de divers experts. Nous tenons tout d’abord à exprimer nos remerciements à Dr. Bambi Ceuppens (MRAC), Leen De Jong, Prof. Dr. Idesbald Godeeris (KUL), Prof. Dr. Ulrike Müller (UA), Dr. Els De Palmenaer (MAS), Guy Poppe et Prof. Dr. Ilja Vandamme (UA).

Nous remercions tout particulièrement Prof. Dr. em. Frans Buelens (UA) pour son analyse critique de notre liste de donateurs, Nadia Nsayi (MRAC) qui a mis en évidence des points aveugles cruciaux dans notre récit de l'Exposition universelle de 1894, et Prof. Dr. Guy Vanthemsche (VUB) qui nous a permis de mettre en relief certaines dynamiques historiques.

 

 

LITTÉRATURE CONSULTÉE

Inventaris Onroerend Erfgoed (en ligne)

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Els De Palmenaer (ed.), 100 x Congo. Een eeuw Congolese kunst in Antwerpen (cat. exp. Museum aan de Stroom, Anvers), Kontich: BAI, 2020.

Leen De Jong (ed.), Schenkingen aan het Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen. 1818-2018, Gand: Lannoo, 2020.

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