Le restaurateur : l’histoire de la restauration
Jill et Ellen ont-ils découvert quelque chose de spécial dans la peinture? Les sœurs approfondissent la restauration de la peinture.
En 1567, Joachim Beuckelaer peint une de ses célèbres scènes de marché : Le marché aux légumes. Inspiré par son précepteur Pieter Aertsen, qui introduit le genre, Beuckelaer devient à son tour un maître des scènes de marché où sont représentées des figures proposant à la vente une abondance de victuailles. Celles-ci sont étalées au premier plan comme dans une nature-morte. L'œuvre a récemment fait l’objet d’une restauration complète.
Le tableau est entré dans la collection du KMSKA en 1950. La couche picturale était alors masquée sous une épaisse couche de vernis assombri et les couleurs vives de Beuckelaer étaient à peine perceptibles. L'examen préliminaire a montré la présence de nombreuses retouches et de surpeints anciens. Il y avait en outre une perte d'adhérence entre la couche picturale et la sous-couche. Afin d’assurer la pérennité de l'œuvre, une restauration s’imposait.
Nous avons d'abord allégé la couche de vernis. Ainsi, le tableau a retrouvé sa profondeur et les différentes tonalités de Beuckelaer réapparaissent elles aussi. Le contraste entre les couleurs saturées des victuailles au premier plan et la scène aux couleurs pastel à l'arrière-plan s’est accentué. La composition a gagné en profondeur. Ensuite, nous avons pu consolider les écailles soulevées. Grâce à l'étude de la couche picturale lors du traitement ainsi que la nouvelle documentation technique - sous forme d'images infrarouges et UV - nous avons une meilleure connaissance de la technique de l'artiste.
À de nombreux endroits, le dessin sous-jacent est décelable à travers la couche picturale.
Comment procédait Beuckelaer ? Le panneau en chêne est composé de six planches horizontales revêtues d'une préparation à base de craie et d'une deuxième couche de préparation blanche. Sur cette sous-couche blanche, l'artiste réalisa de manière élaborée un dessin préparatoire qui servit de base à sa peinture. Il commença par un quadrillage lui permettant de transférer au grand format une petite étude préliminaire. Beuckelaer dessina en utilisant deux couleurs : noir et rouge. À de nombreux endroits, le dessin sous-jacent est décelable à travers la couche picturale.
Grâce aux rayons infrarouges, la partie noire du dessin sous-jacent a pu être mise en évidence de manière plus claire encore. Puis, pour construire sa peinture, l'artiste mit à profit une simple structure picturale composée de fines couches. Il accorda une grande attention à la représentation réaliste des victuailles. Les fruits et légumes sont représentés un par un dans leurs moindres détails et sont bien reconnaissables. Se récoltant à des moments différents, ils n’étaient pas disponibles en même temps. Beuckelaer prépara méticuleusement sa composition en se servant probablement d'études.
Lors de la restauration il s’avéré qu’une partie des vêtements des personnages principaux fut repeinte relativement tôt après l’exécution de l'œuvre. L’analyse d'autres tableaux de Beuckelaer nous a appris que ceux-ci présentent des altérations de couleurs si bien que des parties, telles que les plis des drapés, ont perdu leur tridimensionnalité. Il est probable que dans cette œuvre, on a voulu « remodeler » assez tôt les zones altérées en peignant par-dessus. Les tests ont montré que ces anciens surpeints ne pouvaient pas être enlevés sans endommager la couche picturale sous-jacente. Nous avons donc décidé de les conserver.
Beuckelaer dessinait utilisant deux couleurs : noir et rouge. A de nombreux endroits, le dessin sous-jacent est perceptible à travers la couche picturale.
L’allègement de vernis a été suivi par un important procédé de retouches au cours duquel nous avons fait une reprise d’usure et comblé les lacunes dans la surface picturale. En reliant les formes, la rupture de l’image a disparu permettant de retrouver tous les détails. Certaines parties nécessitaient une subtile reconstruction, comme le visage de la jeune femme qui prend une place proéminente. Après avoir retiré les anciennes retouches, les usures ont fait apparaître la première ébauche sous-jacente de l'artiste. Le résultat était une image confuse autour de ses yeux, une partie importante de la composition. En appliquant des petits points aux endroits bien précis, son visage a retrouvé sa lisibilité.
Avant la restauration, Le marché aux légumes disposait d’un cadre doré qui n'était pas d'origine. Il était en mauvais état de conservation et, esthétiquement, il ne correspondait pas au tableau. L’encadreur Bart Welten a réalisé un nouveau cadre correspondant à l'époque : un cadre sombre aux bords dorés. Le tableau s'est ainsi totalement métamorphosé.
Lors de la réouverture, Le marché aux légumes restauré sera présenté pour la première fois. Avec l'Allégorie de la Prudence, également restaurée, nos visiteurs pourront à nouveau apprécier la fascinante technique picturale de Beuckelaer.
Ce projet de restauration a été possible grâce au soutien des joueurs de la Loterie Nationale. Le projet a été suivi par la Commission consultative du Patrimoine culturel mobilier de Flandre (Topstukkenraad).