Au regard de tous

Aphrodite est la plus belle de toutes les déesses. Zeus, contrarié par sa vanité, l’unit au vieil estropié Héphaïstos. Pendant que son époux travaille à la forge, la belle infidèle passe le temps avec le plus mâle des dieux de l’Olympe, Arès, dieu de la guerre. C’était fatal : Héphaïstos prend le couple en délit d’adultère. Il jette un voile invisible par-dessus leur lit et invite tous les dieux de l’Olympe à venir se régaler des ébats des amants. Les dieux sont pris d’un fou-rire incontrôlable.

L’expression ‘humour homérique’ est emprunté à ce passage de l’Iliade.

Le fou-rire - Lovis Corinth

Malaise ambiant

Lovis Corinth (1858-1925) peint dans des couleurs sombres appliquées à grands traits et sans l’enjoliver une scène dominée par le malaise. L’expressionnisme au sens premier du terme.

Ce tableau à thème moralisateur a parfaitement sa place dans la collection du Musée des Beaux-Arts d’Anvers et il est de grande valeur stylistique et historique. Lovis Corinth était influencé par des maîtres du 17e siècle comme Rubens, Rembrandt et Hals, qui figurent eux aussi dans la collection du musée.

Corinth lui-même eut un impact important sur des artistes contemporains d’Europe, mais aussi sur des peintres de générations suivantes comme Oskar Kokoschka, Lucian Freud et Georg Baselitz.

Art dégénéré

Cette acquisition élargit le contexte international de la collection d’expressionnistes flamands que possède le musée. L’expressionnisme allemand y est déjà représenté par des peintres comme Georg Grosz, Karl Hofer, et inclut une autre toile, plus tardive de Lovis Corinth. L’Allemagne nazie considérait ces artistes comme des dégénérés. Leurs toiles furent retirées des musées allemands pour être brûlées ou vendues. Le KMSK fit ainsi l’acquisition de trois de leurs toiles en 1939 à la fameuse vente publique de Luzerne, où les Allemands se débarrassaient de tout ce qu’ils considéraient comme de l’art dégénéré.

Un coup de chance

Les expressionnistes allemands sont très bien cotés sur le marché de l’art. Le musée dut donc prendre son mal en patience mais la chance lui sourit le printemps dernier. Les conservateurs du KMSKA découvrirent cette œuvre exceptionnelle lors du salon TEFAF de Maastricht. Le tableau n’était pas exposé à un stand, mais se trouvait dans un cabinet réservé aux collectionneurs. Et son prix était raisonnable. Le musée en fit donc l’acquisition en puisant dans le fonds créé par Gilberte Ghesquière pour soutenir la restauration, la recherche et la collection du musée.

Le fou-rire est une œuvre de très haute qualité et de grande puissance visuelle. Une pièce qui ne manquera pas de briller dans la présentation du nouveau musée.