Le musée possède 113 œuvres de Rik Wouters (1882-1916), soit 26 peintures, 19 sculptures, 66 œuvres sur papier, un portefeuille, le dernier cigare, des pinceaux et d'autres objets. Plusieurs directeurs de musées se sont très tôt intéressés à l'œuvre du fauviste brabançon et ont régulièrement acheté des œuvres de sa main. À commencer par l'achat de la sculpture la plus emblématique de Wouters, La Vierge Folle, en 1920. Le reste fut complété par des dons provenant - comme vous venez de lire - de collectionneurs passionnés et de personnes avec lesquelles Wouters eut un lien.

1. Nel, la gardienne

Hélène Duerinckx (1886-1971), alias Nel, son épouse, sa muse, son modèle. Rik Wouters transpose les multiples facettes de son épouse en peinture, en bronze ou encore en dessin. Wouters brosse Nel comme une personne dynamique, attentionnée, cultivée, séduisante, intelligente, accueillante, anxieuse... et dévouée.

Après la mort tragique de Wouters en 1916, Hélène continue de gérer son œuvre. C’est jusqu'à sa propre mort, en 1971, qu’elle se dévoue pour que son œuvre figure dans d'importantes collections publiques et privées. En 1927, elle fait appel au KMSKA, car elle « souhaite faire quelque chose pour le musée d'Anvers, le musée étant le premier à acquérir une œuvre de Wouters... ». Nel fait allusion à l'achat de La Vierge Folle sept ans plus tôt.

Au final, entre 1927 et 1956, Hélène vend au KMSKA 4 peintures, 2 bronzes, 7 aquarelles et 18 dessins, mais elle fait également don de deux œuvres et d'une boîte d'aquarelle au musée. L'autoportrait de Rik de 1903-1904 est l’œuvre la plus ancienne de Wouters de la collection. Le contraste avec la deuxième donation, Femme au repos, ne peut guère être plus grand : de conventionnel et obscur à intime et lumineux, l'évolution de Rik Wouters à travers deux œuvres.

Rik Wouters - Autoportrait
Rik Wouters - Femme au repos

2. Ludo, le gourmand

Le collectionneur d'art-médecin anversois Ludo van Bogaert (1897-1989) entretient d’amicales relations avec Hélène, la veuve de Rik, avec laquelle il échange environ 180 lettres entre 1949 et 1971. Il achète des œuvres de Rik soit directement auprès d’Hélène, soit lors d'expositions.

Travailler et collectionner, Van Bogaert fait toujours preuve d’une grande avidité. Ayant 753 publications à son actif, il est une autorité mondiale en matière de recherche sur le cerveau. Il collectionne des centaines d'antiquités, d'objets d'art, de livres, d'argenterie, de céramiques, de verrerie et de tapis.

Après son décès, la Bibliothèque royale de Bruxelles reçoit son vaste fonds d'archives et sa collection de livres. Le KMSKA pour sa part reçoit 13 peintures de Rik Wouters, dont le douloureux Autoportrait au cache-œil noir, 6 aquarelles, 2 pastels, 25 dessins, 8 sculptures et de nombreux objets, comme son dernier cigare, une pièce chargée d'émotion qui témoigne de son lien étroit avec Hélène et de sa passion pour le travail de Rik.

Les objets restants du médecin sont mis aux enchères ; les recettes sont destinées à la recherche sur le cerveau.

Rik Wouters - Femme lisant
Rik Wouters - Autoportrait avec le cache-œil noir

3. Eppe, le pilier

Eppe Roelfs Harkema (1869-1938) finance les médicaments et les deux opérations dont Rik Wouters a, dès 1905, besoin en raison de son cancer de la mâchoire. En échange, Rik lui offre des peintures et des dessins, « pour l’aide humaine », comme le formule Hélène.

Il est évident que le marchand de tabac néerlandais est un amateur d'art : il collectionne les œuvres d'art des contemporains de Rik et soutient activement des artistes. Et bien sûr, il achète aussi des tableaux de Rik, chez le marchand d'art Van Wisselingh. Eppe lègue au Rijksmuseum d'Amsterdam, sept dessins que Rik avait offerts à son mécène.

Le KMSKA est le seul musée belge qui reçoit une œuvre de sa part : en 1935, par le biais d’Hélène qui intervient comme intermédiaire, Eppe fait don de Femme à la fenêtre.

Vrouw aan het venster, een schilderij van Rik Wouters

4. Joseph, le flamboyant

Dans les années 60 et 70, Joseph Komkommer (1911-1980) organise des fêtes exaltantes dans sa Villa Shalom. Shalom, car Komkommer a des origines juives. De 1930 à 1946, Joseph représente le commerce anversois du diamant à Java néerlandaise. C'est là qu'il rencontre son épouse Jacqueline, d’origine suisse et protestante. Pendant la deuxième guerre mondiale, les Japonais séparent Joseph de son épouse et de son fils. Alors que les nazis exterminent presque toute sa famille en Occident, il travaille comme un forçat dans les camps de concentration japonais.

De retour à Anvers avec sa famille, il construit à nouveau un empire du diamant. À sa Villa Shalom, Joseph reçoit les personnalités politiques israéliennes Yitzhak Rabin et Golda Meir. Ils y sont tout aussi bienvenus que des artistes comme Paul Delvaux ou des stars d'Hollywood.

Dans la villa, les œuvres d'art affluent. Il n'est donc pas surprenant qu'en 1977, il écrive au KMSKA pour faire don d’un plâtre original du Masque qui rit de Rik Wouters et un moulage en bronze réalisé à partir de ce plâtre. Il ajoute subtilement que c'est précisément la pièce de sa collection qui ne fait pas partie de celle de Van Bogaert.

Rik Wouters - Masque qui rit (plâtre)
Rik wouters - Masque qui rit (bronze)

5. François, le pivot

Il est impossible d'expliquer en quelques lignes l'importance de la famille Franck pour le musée, en particulier de François Franck (1872-1932). Entre 1920 et 1964, la génération de François et ses héritiers font don de plus de 60 œuvres d'art au musée, en leur nom propre, ou conjointement.

Ce chiffre ne dit rien au sujet de l'improbable enthousiasme que manifeste François. Il est non seulement membre d'associations artistiques, mais il fonde également l'influent L’Art Contemporain. En plus d’être membre du comité du KMSKA, il prête de l'argent au musée pour des acquisitions et réfléchit à la conception du musée. Il fait des collectes, des dons et encourage tous ceux qui l'entourent à faire de même. Ses clients fortunés - pour lesquels il conçoit des meubles de luxe ainsi que des décorations et aménagements d’intérieurs - ont après tout les moyens.

En tant que marchand d'art, il est déjà dans le milieu. Il est également le sponsor principal de James Ensor. Grâce à François, de nombreuses œuvres d’Ensor intègrent le musée. Celles-ci proviennent de sa propre collection, ou intègrent le musée après sollicitation auprès de son réseau. François rassemble lui-même onze œuvres de Rik Wouters. En 1930, il fait don de La femme en blanc au musée. L’œuvre de Wouters, tout comme celle d’Ensor, s’accorde bien avec le goût de François pour ce qui est bariolé.

Vrouw in het wit, een schilderij van Rik Wouters

6. Enrique, toujours actif

Né à Buenos Aires, mais fort attaché à Anvers. En 1913, Enrique Mistler (1893-1970) débute son stage dans la ville portuaire flamande et décide d’y rester à demeure.

La panoplie de professions qu'il exerce est vaste : banquier, créancier, consul, président et directeur de sociétés. Il est, en outre, associé au Cercle artistique royal, à l'Opéra d'Anvers et à la librairie allemande Kornicker. Enrique est membre du conseil d'administration du musée et trésorier de L’Art Contemporain et d'autres associations.

Pour le compte du musée, il négocie les prix des achats et assiste assidûment aux ventes aux enchères. Il collectionne également des œuvres d'art pour son propre compte. Il épouse Marthe, membre de la dynastie des Franck. En bref : Enrique Mistler respire l'art…. et se repose peu. C’est en 1921 qu’il participe à un achat groupé de huit œuvres d’Ensor pour le musée ; pendant l'entre-deux-guerres, il fait don personnellement de cinq œuvres d'art de sa collection.

Avec l’arrivée de Rêverie (x2) de Rik Wouters, le KMSKA obtient une pièce unique en son genre, car un seul coulage en bronze a été effectué à partir de la matrice en plâtre de la sculpture.

Rik Wouters - Rêverie
Rik Wouters - Rêverie (plâtre)